Dans les discussions traditionnelles de libéraux, si Hayek ou Bastiat es sont pas apparu au bout de 10 minutes, c'est que l'on a déjà parlé plusieurs fois de von Mises... Une fois ce constat fait, il est manifeste qu'au bout de 10 minutes, il me prenait une légère envie de partir faire un bridge puisque côté background culturel j'étais comme un bolchevik à une réunion de micro-économistes.
Ni tenant plus, je me suis procuré un exemplaire du très célèbre La Loi de Frédéric Bastiat (le texte est disponible sur Bastiat.org). L'ouvrage m'a donc été expédié par Amazon, petite anecdote intéressante : la publicité inclue dans le colis était destinée à des Britanniques ; dans la série "je vis chez les gauchistes", je vous invite à regarder les bandes annonces d'Iron Man 2 VO sur Allociné et YouTube, vous constaterez que le passage où Stark se retourne et déclare avoir privatisé avec succès la paix mondiale a été coupé pour pas choquer les français... Ça m'a fait pisser de rire.
Revenons au livre : Bastiat mène sa réflexion comme Sarkozy enterre ses réformes libérales, avec brio. C'est assez intéressant de constater que les symptômes sont les mêmes depuis plus de 150 ans, le socialisme également, les arguments libéraux également. Arrivé à ce point, pour les non-libéraux, il est temps d'élargir la définition du socialisme à travers un petit extrait :
«Avant d'aller plus loin, je crois devoir m'expliquer sur le mot Spoliation.
Je ne le prends pas, ainsi qu'on le fait trop souvent, dans une acception vague, indéterminée, approximative, métaphorique: je m'en sers au sens tout à fait scientifique, et comme exprimant l'idée opposée à celle de la Propriété. Quand une portion de richesses passe de celui qui l'a acquise, sans son consentement et sans compensation, à celui qui ne l'a pas créée, que ce soit par force ou par ruse, je dis qu'il y a atteinte à la Propriété, qu'il y a Spoliation. Je dis que c'est là justement ce que la Loi devrait réprimer partout et toujours. Que si la Loi accomplit elle-même l'acte qu'elle devrait réprimer, je dis qu'il n'y a pas moins Spoliation, et même, socialement parlant, avec circonstance aggravante. Seulement, en ce cas [celui de la spoliation légale/du socialisme], ce n'est pas celui qui profite de la Spoliation qui en est responsable, c'est la Loi, c'est le législateur, c'est la société, et c'est ce qui en fait le danger politique.»
Ainsi Bastiat évoque les arguments fondamentaux que l'on peut opposer à l'interventionnisme :
- Il suppose une autre mission à l'état que le maintient dans un respect de la liberté d'autrui, cette mission vient nécessairement compromettre la première notion de liberté ;
- Il suppose l'existence d'un régulateur au-delà de l'individu, qui peut-il bien être si ce n'est un autre individu ? Quand bien même l'individu existerait, comment l'identifier et créer un mécanisme l'amenant au pouvoir ?
- Il suppose que ce régulateur soit infaillible, la vie de ses concitoyens n'est pas là pour assouvir ses petits besoins de test.
Il est étonnant de voir par quel sujet Bastiat approche le problème... Bastiat par du débat de son époque : le suffrage universel. Bastiat suppose que si l'on s'entendait que l'état ne pouvait être philanthropique la question du suffrage universel ne se poserait puisqu'il n'y aurait pas d'intérêts corporatistes à défendre.
J'aurais néanmoins quelques remarques négatives à faire :
- Certes le texte est simple à comprendre, mais d'un style un peu old school, il demanderait à être quelque peu rafraichit pour pouvoir être lu par le plus grand nombre, j'aurais bien aimé pouvoir en donner un exemplaire à un collégien sans qu'il ne s'en serve pour rouler son prochain pétard. Les idées, ça devrait pouvoir frapper à votre porte et entrer, il n'y a pas de raison qu'elles aient un besoin d'être pédantes.
- Bastiat s'attelle à la tâche d'exposer ses idées, de développer un argumentaire visant à convaincre le lecteur de la véracité de ses propos ; ainsi en tant que lecteur j'espère trouver un raisonnement carré et des prémisses logiques... Dans ce cas pourquoi dois-je trouver toutes les quinze pages une mention à Dieu (himself) ? "Pourquoi l'homme devrait-il être libre ?" "Parce que c'est Jésus qui l'a dit"... faudra quand même veiller à considérer que Dieu dans la plupart des religions a autant de considération pour l'homme qu'un gamin pour un playmobil bancal dont il aurait arraché une côte pour lui faire un petit copain.
- L'ouvrage conclut sur une petite note guillerette décidant que si le monde ne tourne pas comme l'a décidé l'auteur, les crises le pousseront à y arriver de toute façon, parce que telle est la nature des choses... Allons, allons, ce n'est décemment pas réaliste, et un tel raisonnement conditionne la mollesse. Si le monde ne fonctionne pas comme vous voulez, vous faire une bulle en vous disant que les méchants seront punis et que vous vous vengerez au paradis, c'est une misérable échappatoire. Ici l'auteur considère que les êtres se constatant spoliés comprendront bien qu'il va dans leur intérêt de cesser de vivre tous au dépend de tous... Ceci présuppose un accès direct et complet à l'information du très célèbre : "Qui baise qui ?", or qui peut me dire à qui profite le crime ? La CGT pense que c'est aux patrons, le FN à l'UMP, l'UMP aux parasites sociaux, ... Bref c'est le bordel, et rien n'indique que l'homme avance dans la bonne direction, trêve de consolations.